Engagements

H comme Hélène

H comme Hélène, elle témoigne. 31 mars Journée internationale de la visibilité trans. TDoV 2022

Le 31 mars est la Journée internationale de visibilité transgenre. Cette journée est destinée à célébrer les personnes transgenres et à faire prendre conscience de la discrimination qu’elles subissent dans le monde entier.

A cette occasion, nous vous invitons à découvrir Hélène au travers de son témoignage.

Je m’appelle Hélène, je suis ingénieure chez Orange Innovation à Meylan, en Isère.

Je suis conceptrice de services sur le domaine du device management. Nous travaillons sur une plateforme de services qui gère à distance les équipements connectés de la maison comme les Livebox, par exemple. C’est un environnement très masculin, puisque je suis la seule femme de l’équipe de conception (5 ou 6 personnes). Nous avons tous un peu nos spécialités, mais nous partageons beaucoup d’informations, et le collectif et l’entraide sont très importants. Il y a une bonne cohésion entre nous.

Le 18 novembre 2019

Jusqu’alors, j’étais vue socialement comme un garçon. Quelques jours avant cette date, en accord avec ma supérieure, à la fin de notre réunion bimensuelle (les équipes de conception, recherche, anticipation, etc… quinze à vingt personnes en tout), elle m’a laissé un temps de parole, lors duquel j’ai fait mon coming out de femme transgenre. Cela a été un moment très fort, très émouvant, car j’y ai mis beaucoup de cœur, et à la fin, j’ai été applaudie. Deux ou trois personnes étaient déjà au courant, et certaines avaient bien vu que quelque chose n’allait pas chez moi.

Le 18 novembre 2019, c’est Hélène, sous sa vraie apparence, qui est arrivée au travail ce matin-là.

La journée s’est déroulée de façon très naturelle, presque comme une journée ordinaire, mais pour moi, elle reste extraordinaire !

Ma famille était déjà au courant, ainsi que certains amis, mais j’avais toujours une apparence masculine. La transition s’est faite complètement ce 18 novembre 2019. A partir de cette date je suis apparue sous ma vraie identité de façon totale et définitive.

L’acceptation par mon entourage n’a pas toujours été facile. Les réactions ont été très diverses, de la bienveillance et la sympathie à l’incompréhension, et jusqu’au rejet, en passant par l’indifférence. Cela peut faire très chaud au cœur, ou être très dur, mais cela permet aussi de faire le tri dans ses amis !

Ma prise de conscience

J’ai été assignée garçon à la naissance, mais très vite, j’ai compris que quelque chose ne collait pas, sans pouvoir mettre un nom dessus.

Notre société est très genrée, très binaire. On m’a expliqué que j’étais un garçon, et je l’ai accepté. On m’a élevée comme un garçon, mais les frustrations liées à mon malaise ont commencé à s’accumuler. J’ai vécu ma vie d’enfant puis d’adulte en refoulant ma féminité, et je n’ai pas vu arriver le tsunami qui allait s’abattre sur moi de façon inéluctable.

Je me suis mariée, j’ai eu deux filles. Et un jour, alors qu’elles étaient déjà grandes, tout a explosé en moi. La mise en visibilité progressive d’autres personnes transgenres m’a fait comprendre que je n’étais pas seule, et qu’il existait des solutions. Au début de cette prise de conscience, je ne pensais pas être capable de faire une transition, puis j’ai rapidement compris qu’il n’y avait aucune autre issue.

Mon coming out a été précédé d’un parcours long et difficile. J’ai bien sûr été suivie psychologiquement, et médicalement, car une transition se fait rarement sans prendre un traitement à base d’hormones, ce qui induit des changements corporels et mentaux très importants sur le long terme.

L’envie d’écrire

Cela faisait longtemps que j’avais envie d’écrire, mais je n’arrivais pas à franchir le pas. Pendant ma transition, poussée par un ami lors d’une discussion, j’ai réussi à écrire quelques lignes, et j’ai essayé de m’y tenir. Il fallait que je laisse une trace de ce vécu qui, pour moi, constituait une aventure un peu extraordinaire.

Rapidement, ces écrits sont devenus une thérapie pour moi, et j’ai même commencé à y trouver un certain plaisir. Je décrivais mes états d’âmes, mais je me suis mise aussi à véritablement raconter mon histoire, en remontant dans le passé, ce qui a fait ressurgir beaucoup de choses que j’avais plus ou moins oubliées. Puis j’ai commencé à en parler autour de moi.

« H comme Hélène – Journal d’une femme transgenre » 

Au début je voulais juste le faire imprimer sous la forme d’un livre pour le distribuer autour de moi, à ma famille, quelques amis, les proches. J’en ai donné un exemplaire à la conseillère du planning familial qui m’a suivie et accompagnée tout au long de ma transition. Avec mon autorisation, elle l’a fait circuler au planning, où il a eu, à ma grande surprise, un petit succès ! Des personnes ont commencé à me le demander ! J’ai donc décidé de le publier.

Il est aujourd’hui disponible à la vente, et je précise que je ne gagne pas d’argent avec (sauf peut-être quelques centimes dus à l’arrondi sur le format kindle), et d’ailleurs ce n’est absolument pas mon objectif. S’il a pu aider ne serait-ce qu’une personne dans sa démarche, j’en suis très sincèrement heureuse :

disponible sur Amazon (format Kindle, broché

Le planning familial est un réseau associatif national qui défend l’accès pour toutes et tous aux droits à la santé sexuelle et reproductifs, en France et à l’international, et permet au quotidien l’accès à différents services : écoute, accompagnement, consultations médicales, séances d’éducation à la sexualité, groupes de parole… ». Les consultations sont anonymes.

Le miroir !

J’ai eu un rapport parfois très compliqué avec lui. Je crois que je ne suis vraiment pas la seule ! Mais c’est vrai que je ne me suis jamais aimée, et en fait c’était parce que la personne que je voyais ne me correspondait pas. Je ne me reconnaissais pas.

Au fil du temps et de l’évolution, j’ai appris à accepter et à aimer un peu plus cette image. Ce fut un long combat que j’ai gagné surtout parce que cette image évoluait réellement, même s’il y a toujours une part de subjectif.

Aujourd’hui, je vois bien Hélène dans le miroir. Je n’irai pas jusqu’à dire que je me trouve belle, mais au moins, c’est l’image qui me correspond et c’est le principal.

« Je m’appelle Hélène, je suis une femme. »

C’est devenu une évidence, mais au début ça ne l’était pas. Je n’y croyais pas vraiment, mais une part au fond de moi-même le savait depuis très longtemps, sans doute depuis toujours. C’est simple. C’est la réponse à la plupart des questions que je me suis posées tout au long de ma vie. Beaucoup de choses se sont éclaircies lorsque je l’ai compris.

A un moment de la transition, on me réclamait ce livre, et je ressentais le besoin de le partager. J’ai donc décidé de publier ce qui était déjà fait. Il constitue donc bien une première partie. Je n’ai pas arrêté d’écrire pour autant, et la suite est en cours. Il y aura bien sûr la fin de transition, mais aussi la phase post-transition qui est une étape importante.

Je n’ai pas encore de date de publication, mais ce sera sans doute dans le courant de l’année 2022.

Le 31 mars est la Journée internationale de visibilité transgenre

Beaucoup de gens sont un peu lassés de la multiplication de ces « journées de … », mais je trouve qu’il y a certaines causes qui méritent d’être défendues. Les personnes transgenres ont besoin de visibilité. Pas individuellement, au contraire puisqu’en général, elles cherchent plutôt justement l’invisibilité, c’est-à-dire être intégrées dans le paysage de façon naturelle. Mais collectivement, le transidentité a besoin d’être visible, pour être comprise.

Une journée pour célébrer les personnes transgenres.

J’ai rencontré (et je rencontre encore parfois) pas mal de personnes trans. Je voudrais juste citer Claire, qui m’a précédée de quelques années, et avec qui j’ai pas mal discuté. Nous avons quelques points communs et partagé quelques bons moments ensembles.

Jamie Clayton CC BY-SA 4.0

Il y a également des célébrités qui ont fait leurs coming out, et qui permettent de médiatiser notre existence.

J’en citerai juste une, Jamie Clayton, une actrice trans qui incarne une personne trans dans la série « Sense8 », qui est ma série préférée !

Une journée pour faire prendre conscience des discriminations que les personnes trans subissent.

En dehors du rejet par certaines personnes dans le cercle familial (mais je ne sais pas si on peut vraiment parler de transphobie), je n’ai pas personnellement été victime de discrimination, et n’en ai pas été témoin directe. Je sais seulement que certaines personnes de mon entourage l’ont été, et je suis quand même très sensible à ce sujet.

Malgré un bon passing, je reste vigilante, et ne suis pas forcément à l’abri de subir des agressions, ne serait-ce qu’en tant que femme.

Le passing correspond au fait d’être reconnu·e et identifié·e comme appartenant à un genre social, une classe sociale, un race sociale, etc., par la société, les individus et / ou soi-même. Pour les personnes trans, cela équivaut à être perçu·e dans son genre et comme une personne cis dans un environnement donné. Source WikiTrans

Nos droits se sont beaucoup améliorés lors des 10 ou 15 dernières années, et même s’il y a sans doute encore des progrès à faire, il est aussi important de s’assurer qu’il n’y ait pas de régressions car rien n’est jamais acquis définitivement, et quand j’entends certains discours politiques, je me dit que nous ne devons surtout pas baisser la garde !

En France et dans beaucoup de pays occidentaux, les choses sont en bonne voie, mais ce n’est pas le cas partout. Sans aller très loin, certains pays de l’Union Européenne sont montrés du doigt. J’espère que l’Europe justement aura le pouvoir de faire évoluer les choses, mais là aussi, c’est un long combat.

Dans les institutions administratives, médicales, dans les entreprises, etc… il y a encore trop de personnes qui ont des comportements discriminatoires qui sont sources de malaises ou de souffrance vis-à-vis des personnes trans. Il faut lutter contre et dénoncer ces pratiques.

Lauréate des Rôles Modèles au travail dans la catégorie « Leaders LGBT+ »

Claire, dont j’ai parlé tout-à-l’heure, avait été rôle modèle lors de la première édition en 2019. C’est elle qui m’a suggéré et encouragée à être candidate pour cette édition 2021. J’ai donc rempli le dossier, et j’ai effectivement été nommée dans la catégorie « Leaders ». Cela fait toujours plaisir d’être reconnue, cela me donne une certaine légitimité.

Retrouvez l’édition 2021 des Rôles Modèles LGBT+ et Allié·e·s au Travail » organisé par l’Autre Cercle.

Une liste de 94 professionnel·le·s se distinguant par leurs actions en faveur de l’inclusion et de la visibilité des personnes LGBT+ dont :

  • Aliette Mousnier-Lompré, Directrice des Opérations & Service Client – Orange Business Services dans la catégorie Dirigeant·es LGBT+,
  • Hélène Teil, Architectes de services – Orange Innnovation, dans la catégorie Leaders LGBT+.

Être Rôle modèle

Les personnes nommées « Rôles modèles » s’engagent dans des actions en faveur de la diversité. Elles essayent en quelque sorte de montrer la voie, de montrer que l’on peut assumer qui l’on est, que l’on est des personnes comme les autres. Cela peut passer par des présences dans des conférences, webinaires, tables rondes, etc… mais aussi par du soutien aux personnes en questionnement, ou en difficultés.

Dans le monde du travail, il n’est pas toujours facile d’être visible. C’est souvent grâce à ces rôles modèles que les choses avancent. On peut sensibiliser les acteurs économiques sur le fait qu’ils ont tout intérêt à être à l’écoute de toutes les personnes dans toutes leurs diversités. C’est la richesse de notre société. 

Au-delà d’autres personnes transgenres qui ont pu m’inspirer, il y a aussi tous les professionnels ainsi que les acteurs du monde associatif.

Ma première pensée va à ma conseillère du Planning familial qui a été la première à m’aider à sortir du gouffre dans lequel j’étais au tout début de ma transition. Je voudrais aussi saluer les fondateurs de l’association RITA, qui est un précieux soutien aux personnes trans. Ce sont eux qui m’ont aiguillée vers le Planning familial. Puis plus tard l’association Mobilisnoo, quand j’ai fait mon coming out au travail, avec l’aide aussi d’une formidable assistante sociale, qui a été très présente. D’autres personnes ont été importantes, il est difficile de toutes les citer. Je voudrais juste ajouter à la liste l’orthophoniste qui m’a aidée à travailler ma voix, qui est une chose que l’on a tendance à négliger parfois.

RITA est une association de santé communautaire pour les personnes Trans et Intersexe.
Elle organise des temps d’accueil, d’écoute, d’informations et d’accompagnement pour toutes les personnes trans et/ou intersexe et/ou en questionnement ainsi que leurs proches.

Il y a un point commun entre toutes les personnes que l’on trouve dans ces associations, c’est l’ouverture et l’inclusion. C’est d’ailleurs justement ce qui caractérise la plupart du temps les « réseaux » LGBT+, ne jamais exclure personne. Tous les alliés, qu’ils soient LGBT+ ou pas, on s’en fout, sont les bienvenus. J’ai envie de donner une image positive, dans un monde où on ne voit pas toujours les belles choses.

Je ne sais pas si je suis un modèle à suivre, mais j’essaye d’être inspirante. Lors de ma transition, j’ai pu trouver de l’aide et je pense que c’est à mon tour d’aider les autres.

Ce parcours est très difficile, mais il m’a rendue plus forte. Je voudrais faire profiter de mon expérience, ne serait-ce qu’en parlant, tout simplement.

Lors de mes différents témoignages, j’ai toujours voulu me montrer sincère, telle que je suis moi-même, et j’ai rarement des réactions négatives. Les gens sont souvent touchés, parfois émus, parce que je le suis moi-même.

Je suis une femme transgenre, mais avant tout une femme. Je n’en tire aucune fierté car je ne l’ai pas choisi. En revanche, de ce que j’ai fait, de mon parcours, cela, oui, j’en suis fière !

A toutes les personnes en difficultés, qui se cherchent, qui cherchent leur identité et leur destin.

Les réponses se trouvent en vous et vous seules, mais vous n’êtes pas seules, il y a des personnes autour de vous qui peuvent vous aider. Je sais que ce n’est pas facile, mais il y a peut-être quelque chose qui pourrait vous sauver : Parler.

2 commentaires

  1. Merci Hélène de contribuer à la libération de la parole, étape nécessaire à la visibilité LGBTI . et n’oubliez pas que si vous avez besoin d’écoute, d’éclairage, d’aide, vous pouvez contacter contact@mobilisnoo.org
    LGBTI: Lesbienne Gay Bi Trans et Intersexe

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